Six ans après les débuts d’un programme novateur
Aurélie Vigné, gestionnaire de MUSCO, nous livre ses constats


Lorsqu’Aurélie Vigné a pris en charge le déploiement du programme MUSCO en 2018, ses premières impressions étaient celles d’un « casse-tête géant » qu’il a fallu assembler avec l’aide des multiples parties prenantes à mobiliser. Chacun des établissements détenait une partie de la réponse qui pouvait être apportée pour soutenir les patient(e)s et leur famille. Initialement recrutée comme chargée de projet, son poste a naturellement et rapidement évolué vers celui de gestionnaire afin de pouvoir répondre de façon adéquate aux exigences du mandat.
Pour rappel, le lancement de l’Initiative MUSCO revêtait une forme jusque-là inédite dans le milieu de la santé au Québec : celle d’une collaboration entre quatre institutions majeures dans le paysage de la pédiatrie, ayant accepté de joindre leurs forces pour faciliter la prise en charge de patient(e)s nécessitant des soins complexes. C’était du « jamais vu » et perçu comme particulièrement ambitieux. Six ans plus tard, les efforts du CHU Sainte-Justine, du Centre de réadaptation Marie Enfant, de l’Hôpital de Montréal pour enfants et des Hôpitaux Shriners pour enfants – Canada, ont démontré qu’une collaboration intégrée pouvait apporter bon nombre d’avantages que les professionnels sont des plus en plus nombreux à exprimés sur le terrain.
Dès son arrivée, Aurélie a accompagné les établissements partenaires dans la définition des objectifs et de ce que pouvait devenir MUSCO. Pour ce faire, il était nécessaire de dépasser les incompréhensions et méconnaissances des services respectifs en rassemblant toutes les parties prenantes pour préciser la vision commune d’un programme qui devait avant tout se faire au bénéfice du patient, une approche qu’elle avait déjà portée lors de son mandat précédent en tant que coordonnatrice du Comité des usagers au CHU Sainte-Justine :
Je partageais cette vision d’un projet qui devait se faire au bénéfice des patient(e)s. La mise en place du Pôle consultatif au sein de la gouvernance a permis cela, pour donner la parole à ces familles et soutenir un changement global en faveur du partenariat patient.
Au fur et à mesure de ses rencontres et de l’évolution des projets, Aurélie voyait bien que les équipes médicales et les parents partageaient le même objectif. Et aujourd’hui elle est particulièrement fière de voir qu’on ne se pose plus de questions à savoir si on doit impliquer des patient(e)s ou des familles sur les projets développés qui doivent finalement leur servir. Les équipes ont évolué dans leurs pratiques et leurs façons de faire, mais les familles aussi ont pu prendre de plus en plus confiance dans le rôle crucial qu’elles jouent.
Aurélie constate que les avantages transformateurs d’une collaboration inter-centres sont de plus en plus perçus et ressentis sur le terrain. Et pourtant le pari n’était pas gagné d’avance… elle se souvient avoir entendu à son entrée en poste : « Courage, tu n’arriveras pas à faire tout ça en cinq ans ! ». Et pour cause : toute démarche d’innovation organisationnelle et ou de changements de culture est un travail de longue haleine. Mais même s’il reste encore de nombreuses choses à accomplir, le constat est que de petites graines ont pu être plantées.

Finalement, contre toute attente, MUSCO a pris la forme d’un programme à part entière. Plusieurs projets ont été réorientés pour partir du terrain et répondre aux besoins des familles mais aussi des professionnel(e)s, et chacun a été invité à faire entendre sa voix et à s’impliquer pour penser et mettre en œuvre les projets. Résultat : un taux de présence aux rencontres des comités dépassant 70 %, près de 180 collaborateur(trice)s mobilisés et plus d’une vingtaine de projets mis en place ou en cours de l’être pour soutenir la prise en charge des patient(e)s vivant avec des troubles neuro-musculosquelettiques et recevant des soins complexes à travers ces quatre établissements et le réseau de la santé… Des données qui démontrent l’engagement de toutes et tous pour l’atteinte d’un objectif commun.
Le nerf de la guerre selon Aurélie ?
La communication. En effet, l’écoute et la compréhension mutuelle sont selon moi les bases essentielles pour créer des passerelles, tisser des liens de confiance, s’ouvrir à la co-construction et augmenter considérablement la portée de la collaboration. Cela permet également d’accepter plus facilement le changement et de faire preuve de vulnérabilité face à ce qui ne fonctionne pas ou plus : ça a été un des grands apprentissages du programme, le fait que chacun ait droit à l’erreur, qu’il soit possible d’aller dans une direction et de finalement changer le cap en cours de route pour s’ajuster selon les besoins.
La façon dont s’est développée le programme a permis cette flexibilité et a donné cet espace. Aurélie se considère « chanceuse d’avoir une équipe à ses côtés qui a accepté de la suivre dans cette aventure sans savoir ce qu’elles allaient pouvoir faire aboutir : naviguer dans le flou, bouger en permanence et être mobile d’un site à l’autre, construire et déconstruire – cela prend une grande agilité, de la patience et de l’écoute ».

Pour cette « intrapreneure » de nature, ce positionnement transversal qu’elle partage avec les autres membres de l’équipe qui sont également des ressources partagées entre les centres, est pour elle un atout majeur : cela permet d’être proche des équipes, d’avoir des informations de première ligne et en même temps de conserver une neutralité qui permet d’intervenir sans parti pris. C’est un positionnement qui lui a permis de sortir encore plus du cadre et qui l’a obligé à prendre des chemins alternatifs pour trouver les solutions appropriées.
Et pour l’avenir ?
Aurélie est confiante que plusieurs des projets qui ont fait leur preuve trouveront un ancrage durable au sein des établissements, tels que le projet des Coordonnatrices trajectoire inter-établissement et le projet Trajectoire du patient. « Je suis curieuse de voir comment les petites graines qui ont été semées vont continuer à pousser et à évoluer, ici ou ailleurs pour que le proverbe ‘tout seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin’ continue à prendre tout son sens », explique-t-elle.
Il est important aussi que la confiance que les familles et les professionnel(le)s ont placé en l’Initiative trouve une continuité. La transmission des apprentissages est définitivement un des objectifs qu’elle poursuit pour la dernière année de l’Initiative : faire ressortir l’essence de MUSCO, comment les choses se sont développées, comment elles ont pu ou comment elles auraient dû prendre forme et ce, pour faire bénéficier d’autres collaborations de ces leçons apprises.
Nous ne pouvons qu’espérer en effet que tous les efforts accomplis et la confiance gagnée continue à porter leurs fruits, et ce bien au-delà du programme.